Claude est un jeune homme de l'Oklahoma, dont la mise contraste avec son origine. Vêtu d'un pantalon de velours ajusté, d'une chemise avec cravate et d'une veste, l'ensemble dans un camaïeu de bruns, cheveux courts bien coupés, il est à la fois net et charmant. Son origine rurale ne peut se deviner qu'aux bottes et au chapeau traditionnel.
Cependant, sous sa bonne mine, il arbore un petit air timide et introverti.
Son père (qui, lui, a bien l'allure du campagnard local) lui dit en
forme de boutade que seuls les gens intelligents se font tuer, il ne risque
donc rien... Par cette phrase, on comprend dans quelle atmosphère a
vécu le jeune Claude jusqu'ici, et l'estime qu'il peut avoir (ou ne
pas avoir) pour lui-même.
Il est
candide, plein de grands principes et d'idéaux.
Partir combattre au Viet-Nam, c'est son devoir, croit-il, pour sauver son
pays. Il ne semble pas avoir rencontré d'opinion alternative auparavant.
Les réactions des personnes qu'il croise à New-York vont l'amener
à s'interroger. Il découvrira que Berger s'occupe de lui dans
l'espoir de le faire changer d'avis, que Hud ne risquerait pas sa peau pour
lui le cas échéant.
Et aussi que le père de Sheila se moque bien de son sacrifice, lequel
ne vaut pas, à ses yeux, l'autorisation de regarder sa fille pendant
cinq minutes avant de partir combattre dans la jungle. Claude est ébranlé.
L'atmosphère qui règne à New-York en cette fin des
années 60 le déconcerte. Après sa nuit dans l'autocar,
c'est l'air un peu hébété qu'il va à la rencontre
de la grande ville.
Dans Central Park, une chanteuse appelle de ses voeux l'Ere du Verseau,
tandis que des groupes de danseurs en vêtements bigarrés improvisent
une chorégraphie sur son chant.
Et il y a cette bande de hippies qui lui demande de l'argent, et à
qui il donne une pièce, pour sauver l'honneur de l'Oklahoma...
Claude accroche volontiers, et abandonne son parcours du parfait touriste à New-York pour participer aux activités (étranges...) de ses nouveaux amis.
Bien qu'il ait l'air décidé à s'engager dans l'armée, on verra quand il se retrouvera seul qu'il est très angoissé à l'idée de ce qui l'attend. La sollicitude qu'on lui témoigne tombe à pic.
On remarquera sa grande capacité d'adaptation, qui va à l'encontre de l'opinion peu flatteuse que son père a de lui. Il va tout tester: la marijuana, le LSD, l'incruste, le bain de minuit, comme si tout cela répondait à un appel puissant au fond de lui-même, quelque chose qui a urait été étouffé pendant tant d'années.
La prise collective du LSD est mise en scène comme une eucharistie. On voit Claude "communier" à la place de Berger, en s'intercalant dans la rangée entre lui et la personne précédente, préfigurant ainsi sa vie sauvée par le sacrifice à venir de son ami (c'est la présence de Claude à cette place qui va priver Berger du LSD sauveur).
Le rêve
de Claude, sous l'emprise de la drogue, est composé de ses voeux et
peuplé d'êtres qu'il a rencontrés récemment.
Il y a Sheila, en robe de mariée, et lui, avec son chapeau de cowboy,
et même le cheval de location... dans la petite église de son
village de l'Oklahoma.
Mais le célébrant est une des danseuses aperçues à
Central Park, et lorsqu'il embrasse Sheila, elle se retrouve instantanément
dotée du gros ventre rond qu'aura Jeannie prochainement.
Les parents de Sheila les regardent avec attendrissement. La mère arbore
une tenue très dénudée (!), lui-même passe à
cheval en habit avec un haut-de-forme à la main.
Et Berger...
vient semer le trouble en séduisant la mariée, qui agite les
bras comme si c'était des ailes et s'envole sous la voûte de
l'église, faisant le signe de la victoire des deux mains...
Claude bascule, terrassé.
Il est
extrêmement sensible à tout ce que Berger fait en son honneur.
On se demande si ce n'est pas la première fois de sa vie que quelqu'un
fait quelque chose pour lui, le considère comme un individu de valeur,
digne de tant d'amitié.
Lorsque
ses amis viendront le voir au camp militaire dans le Nevada, il ne cessera
de répéter que c'est incroyable qu'ils aient fait tout ce
chemin pour le voir, lui, Claude.
En même temps, on le sent très vulnérable. Il a commencé
à s'ouvrir aux autres, mais un faux-pas de Berger et il va se refermer
comme une huître.
C'est ce qui arrive après la disparition des vêtements, où
Claude s'imagine que Berger a délibérément saboté
le bain de minuit pour pouvoir revoir Sheila lorsqu'il serait parti (l'attirance
réciproque de ces deux-là ne lui a pas échappé).
De même lorsqu'il veut raccompagner Sheila chez elle (en tout bien tout honneur, on n'en doute pas!) et qu'elle refuse d'un air contrarié sans lui donner d'explications (tandis que Jeannie lève les yeux au ciel...), il la plante là et se déshabille (mais garde son caleçon, parce que lui porte des sous-vêtements et qu'il est pudique) pour aller se baigner avec les autres.
Non sans
jeter un regard en arrière...
Et, ô surprise, Sheila, un peu honteuse, se déshabille à
son tour, gardant comme lui un slip (mais enlevant son soutien-gorge, geste
prometteur) et plonge le rejoindre.
Ce bain de minuit très chaste (elle lui posera seulement la main sur l'épaule, et on n'imagine pas une seconde Claude profitant de l'eau et de l'obscurité pour tenter quoi que ce soit, malgré l'incitation de la jeune femme...) sera le point d'orgue de leur relation amoureuse dans le film, nous ne verrons rien de plus osé entre eux deux.
Cette
scène de nudité aura un écho dissonnant dans la séquence
du conseil de révision, deux chansons plus loin.
Devant une rangée de gradés goguenards défil
ent les
jeunes recrues que l'on juge ou non aptes au service. Bien que cette scène
soit hilarante, qu'on ne s'y trompe pas: ces types sont des ogres, il suffit
d'écouter attentivement les paroles de la chanson "Black boys,
white boys" pour s'en convaincre. Ils sont là pour faire provision
de chair fraîche.
Et c'est lorsque les choristes chantent "give me a white boy" que l'on voit Claude, nu et inquiet, paraître face à la caméra.
Claude est envoyé dans le Nevada, à l'autre bout du pays. Au camp, c'est dur, très dur. Claude, qui se sent bien seul, envoie une bouteille à la mer, sous la forme d'une lettre à Sheila, à New-York. Sheila la montre à Berger, qui décide d'aller remonter le moral de son ami par une petite visite impromptue.
On sent la contamination que ses amis ont exercé sur son esprit, lorsque Claude osera dire à Berger "si tu savais comment c'est ici..." et remettre en cause son engagement patriotique et l'armée nationale, propos impensables dans sa bouche quelques mois plus tôt.
Berger est l'ami parfait. Claude se sentait seul? Il lui organise une visite collective (très dans l'esprit des années 60), et ne pouvant pénétrer dans le camp, il sacrifie sa crinière, dont il est si fier - l'emblème du film - pour se déguiser en soldat et pénétrer dans le camp, afin que Claude puisse passer un moment avec la jeune femme qu'il aime.
Celui-ci va se laisser convaincre, puisque Berger reste à sa place pour répondre présent aux appels. Et tandis que Berger s'intègre au baraquement, Claude retrouve le groupe de ses amis qui l'attend dans un sous-bois voisin.
Pendant son absence, le drame se noue. Berger, qui porte un treillis marqué Bukowski, est embarqué à sa place, qui pro quo, pour le Vietnam. Berger qui va partir vaillamment, sans trahir son ami. Berger qui va mourir au Vietnam, tel un Samson dévitalisé après la perte de ses cheveux, lui qui chantait "I've got life" avec tellement d'entrain...
Cette méprise - ce sacrifice? - va changer la vie de Claude pour toujours. On le voit courir aussi vite qu'il peut pour rejoindre l'avion, autre ogre mécanique, qui emporte Berger, et son visage ravagé en le voyant disparaître dans le ciel...
On devine qu'il va ressortir du camp militaire et s'enfuir avec ses amis. C'était la volonté de Berger qu'il n'aille pas faire cette guerre, alors il n'ira pas. Il vivra avec Sheila, c'est ce que Berger aurait voulu.